La vie est possible avec seulement 473 gènes

Pour CAPES et Agreg
Thèmes : génétique, génome, microbiologie


 
Mycoplasma genitalium


La recherche des éléments essentiels pour créer une être vivant est une quête très ancienne et il semble que l'on commence à avoir une réponse scientifique à cette question après avoir eu beaucoup de réponses spéculatives dans la littérature. Le chercheur-entrepreneur Craig Venter, qui s'était illustré il y a une quinzaine d'années dans le séquençage total du génome humain, vient d'annoncer dans le dernier Science avoir synthétisé un ADN contenant seulement 473 gènes permettant à une bactérie de vivre. Le projet s'appelle Minimal Genome Project.

Le but de Craig Venter est de pouvoir former des cellules artificielles fonctionnelles, capables de synthétiser à façon des produits d'intérêts thérapeutiques ou industriels. En 1995, il avait séquencé l'un des organismes avec le plus petit génome, la bactérie gram négative Mycoplasma genitalium, et ses 525 gènes sur 580 kilobases. En inactivant chacun de ses gènes, Venter s'est rendu compte que seuls 375 gènes étaient vraiment essentiels à la survie, mais il faut en plus d'autres gènes pour pouvoir se reproduire et proliférer correctement. 

Les chercheurs ont synthétisé l'ADN entièrement par des procédés chimiques (synthèse oligonucléotidique), sans prendre des fragments existants et sont arrivés à faire vivre et reproduire des bactéries avec 473 gènes et 531 kilobases. Pour obtenir ce résultat, ils ont éliminé tout le génome d'une bactérie Mycoplasma et introduit le génome produit in vitro à la place. Et la bactérie a survécu et s'est multipliée sans problème (temps de génération = 3h ce qui n'en fait pas une bactérie de course mais est quand même suffisamment rapide par rapport à d'autres types de cellules (eucaryotes par exemple)). Peut-on parler vraiment de bactérie "synthétique" ? On part tout de même d'une cellule pré-existante, même si au bout d'un certain temps tous ses constituants sont formés à partir des instructions de l'ADN synthétique. Le terme "vie synthétique" est tout de même un peu utilisé de manière abusive et marketing par Craig Venter dont la modestie n'est pas la qualité la plus évidente.

La bactérie répond au "joli" nom de JCVI-syn3.0. Le milieu nutritif de ces bactéries est particulièrement riche, ce qui permet d'éliminer un certain nombre de gènes qui codent des enzymes de certaines voies métaboliques (synthèse de vitamines par exemple). Il est clair qu'une telle bactérie ne survivrait pas dans des conditions naturelles.

Le plus étonnant c'est que sur 473 gènes essentiels, la fonction de 149 protéines codés à partir de ces gènes n'est pas clairement définie ! Ce qui revient à dire qu'un tiers environ des protéines essentielles à la vie constituent encore une boîte noire et que certains processus fondamentaux sont encore inconnus.

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